On entend parfois que «les anarchistes compromettent la sécurité des personnes en faisant de la casse dans les manifs». Désamorçons ce genre d’argument. Bien entendu, il peut y avoir des personnes qui ont des comportements inacceptables, comme lancer un projectile sans réfléchir au fait qu’il pourrait retomber dans la foule de manifestant·e·s, ou encore frapper un fasciste et s’enfuir sans se soucier des camarades moins fort·e·s qu’on laisse derrière, alors qu’on aurait la capacité de tenir tête aux fachos. Ce genre de comportement ne représentent pas l’ensemble d’un groupe ou d’une idée politique. De plus, les personnes en question peuvent recevoir des critiques constructives de la part de camarades et s’améliorer pour les prochaines fois. En ce qui concerne les groupes militants, cela s’applique également: par exemple, des critiques constructives quant à la façon d’assurer une plus grande sécurité pour les personnes en réfléchissant notamment à des voies de sortie lors d’une action, ou encore des sections moins bruyantes dans la manifestation, sont d’une grande importance et doivent être communiquées et accueillies dans l’ouverture.
Malgré les préjugés qu’on colle aux anarchistes, black blocs et autres groupes agitateurs, les pratiques militantes plus intenses qu’iels utilisent parfois ne sont pas du tout synonyme de négligence ou incompatible avec la sécurité collective. Au contraire, ces groupes disposent d’un arsenal de pratiques de soin collectif pour les manifs et les actions. Voici un survol de certaines de ces pratiques.
Le black bloc est une tactique de groupe (et non un type de militant·e). Les personnes formant un black bloc vont s’habiller en noir et se masquer pour dissimuler leur identité lors d’une manif et ainsi 1- Réduire les risques d’arrestation pour leurs camarades (difficile pour la police de cibler une personne spécifique si la foule est un bloc homogène et anonyme) et 2- Réduire les risques de se faire ficher par les flics (qui filment et prennent en photo les manifs).
La distribution de matériel comme des masques covid et des lunettes (pour permettre aux autres camarades de compléter leur outfit de black bloc) est une pratique qui peut être utilisée.
Rester groupé·e·s pendant la manifestation permet de minimiser les chances que la foule se fasse séparer en 2 par les flics, ce qui vulnérabilise les personnes présentes. Résister aux tentatives de dispersion usuelles de la police (gaz lacrymogènes) et faire de son mieux pour rester en groupe est aussi une façon de se protéger soi-même et ses camarades: personne ne veut se retrouver seul·e avec ses 3 ami·e·s devant l’anti-émeute, au milieu d’un nuage de lacrymos. Rester groupé·e quand la manif prend fin et revenir en groupe au métro plutôt que seul·e minimise les chances de se faire harceler et arrêter après la manifestation.
Des personnes médics en manifs, qui ont des connaissances en premiers soins, sont souvent, sinon toujours présentes dans les manifestations plus radicales ou la répression policière est attendue. Elles transportent leur trousse de premiers soins ainsi que du «Maalox», qui est un mélange moitiémoitié d’eau et de lait de magnésie (antiacide disponible en vente libre dans les pharmacies), très utile pour soulager la sensation de brûlure aux yeux provoquées par le poivre de cayenne et les lacrymogènes.
Un soutien légal est habituellement offert par les groupes organisateurs des manifestations. Le numéro d’une personne avocate est distribué en début de manif, utile en cas d’arrestation. Ces groupes peuvent offrir un soutien financier pendant les procédures judiciaires. Les anarchistes ne laissent personne seul·e devant le système judiciaire!
La majorité des camarades font preuve de «gros bon sens» durant les manifestations et les actions: aider les autres camarades à se relever quand iels tombent, éviter de laisser les personnes qui courent moins vite seules derrières à la merci des flics, éviter de lancer des objets qui pourraient retomber dans la foule de camarades, éviter de faire tomber du mobilier urbain aux pieds des camarades qui marchent avec nous et de risquer de les faire trébucher.
Nous luttons contre les oppressions, contre la violence de l’État et contre celle des entreprises meurtrières. Nous souhaitons lutter ensemble, et longtemps: pour cela, prenons soin de nos camarades - surtout pendant les moments de répression.