Dernièrement, plusieurs projets de requalification d’immeubles commerciaux pour en faire des logements ont été proposés dans la ville de soi-disant Montréal. On peut par exemple mentionner le plan de démolition et de conversion de la Place Versailles en logements, ou encore le projet de résidences bourgeoises de Mon Dev sur le site de l’ancien restaurant Da Giovanni, dans le village LGBTQ+. Ces deux exemples sont des programmes de revitalisation de sites sous-utilisés et de densification près de lignes de transports collectifs, dans ces cas le métro. Certains pourraient parler de projets qui respectent l’environnement, mais ce n’est pas le cas. Au contraire, ces constructions sont nuisibles tant pour le droit au logement que pour la lutte écologiste.

En effet, dans les deux cas, il s’agit de construire des logements de luxe destinés aux gens riches, car ce sont des chantiers menés par le privé. Les gens des quartiers où les promoteurs sont implantés ne pourront plus y résider, car les loyers fixés seront plus élevés afin de maximiser les profits des investisseurs immobiliers. Ces projets prévoient également une grande part de stationnements, ce qui favorise la culture du char.

On est en droit de se demander si les promoteurs désirent vraiment que ces logements soient loués. Les plateformes de location touristique à court terme comme AirB&B assurent en effet des retours sur investissements juteux. De même, plusieurs spéculateurs n'hésitent pas à laisser vides leurs appartements afin de les passer comme pertes fiscales et réduire leurs impôts. En effet, les entreprises peuvent obtenir une déduction fiscale lorsque leur parc immobilier cumule des pertes. Tel que mentionné plus haut avec les exemples d'initiatives à soi-disant Montréal, la meilleure façon de faire du profit est de construire pour les riches. Mais dans une période où l’itinérance et les rénovictions sont en hausse, ce genre de développement immobilier est inacceptable, car il transforme les logis en purs objets de spéculation et menace le droit au logement des plus pauvres.

Cependant, il existe une solution efficace pour lutter contre la culture du char, la crise climatique et la crise du logement: la socialisation du parc de logements locatifs. En d'autres mots, c'est la démarchandisation du logement, ni plus ni moins. Cette stratégie vise à sortir le logement de la logique du marché et du profit en s'assurant que le lieu soit géré par les gens qui l'habitent ou par des OBNL, comme dans les coopératives de logement ou les HLM. Il ne s'agit pas d'un plan où l'État possèderait les logis, mais d'une perspective d'autogestion par et pour les résident·e·s. Celleux-ci étant les premier·ère·s concerné·e·s par leurs conditions d'habitation, iels pourraient ainsi reprendre un contrôle collectif sur ces unités. Les logements ne seraient donc plus construits pour enrichir les gestionnaires immobiliers, mais pour le bien des leurs habitant·e·s.

Un des exemples de ce modèle est la ville de Vienne en Autriche. Dans cette ville, plus de 60% de la population habite dans un logement social. Cette proportion est 20 fois plus élevée que celle de soi-disant Montréal. À Vienne, il est possible de conserver son logement toute sa vie et même de le léguer à ses descendants sans risque d’éviction. Le fait que la ville construise plus de 5000 unités de logement social par année prévient toute pénurie de logements et permet aux gens d'y rester même si leur revenu augmente. Le revenu maximal pour accéder à ces appartements est de deux fois le revenu moyen, ce qui permet à la majorité de la population de se qualifier, même si son salaire augmente ensuite. Le loyer y représente de 20% à 25% du revenu des ménages. À soi-disant Montréal, c'est l'extrême inverse: les loyers dans le secteur privé gobent de 50% (estimation conservatrice) à 80% des paies des locataires.

Les immeubles socialisés viennois incluent même des infrastructures qui sont à soi-disant Montréal réservés aux immeubles de luxe. Nous parlons par exemple d’une piscine sur le toit, des salles de réunions, une garderie, des commerces, des restaurants et même un jardin collectif à l’usage des résident·e·s de l'immeuble.

Depuis 2019, les développements immobiliers de plus de 5000 mètres2 à Vienne doivent contenir deux tiers de logements sociaux. La ville travaille avec le département de planification du territoire et a un fonds de développement qui lui permet d’acquérir des terres. Les maisons unifamiliales sont également interdites – ce type de zonage n’existe même pas là-bas –, ce qui élimine le phénomène du « pas dans ma cour ».

La ville a également reconnu que transport et habitation sont indissociables. Par exemple, avant un développement majeur de logements sociaux, la ville a fait creuser une ligne de métro pour desservir le nouveau secteur. Le but est de réduire l’utilisation de la voiture à seulement 20% des déplacements. En socialisant, il est plus facile de construire des quartiers efficaces autour des stations de transport en commun en planifiant le logement et le transport en même temps. Bref, le territoire est ainsi aménagé pour le bien de la population et de la planète et non pour celui des riches capitalistes.

Pour toutes ces raisons, même les capitalistes sont forcés de vanter le succès de Vienne. En 2023, le magazine The Economist ​​​​​​​–​ qu’on ne peut définitivement pas accuser d’être un média d’extrême gauche –​​​​​​​ a classé Vienne au sommet de sa liste des villes les meilleures pour vivre. Les raisons de ce classement : un résultat de 100% pour les critères de stabilité, de systèmes de santé, d’éducation et d’infrastructures –​​​​​​​ ce qui inclut l’habitation et le transport en commun.

Comme on peut le constater à travers l'exemple de Vienne, il est possible de faire autrement. À soi-disant Montréal, on pourrait socialiser 100% du parc de logements locatifs et ainsi abolir la propriété privée immobilière. En effet, le privé a prouvé son échec, comme on peut le voir avec la crise du logement qui ne fait que s'aggraver. Le but des promoteurs privés est d’engranger des profits et de les envoyer outre-mer afin de ne pas payer de taxes ni d’impôts. Ces capitalistes n’accordent aucune importance à la situation du peuple, même si ce dernier doit dormir sur un banc de parc à cause de leur avarice. Tant que leurs comptes offshores continuent à se remplir, c’est tout ce qui compte pour ces requins de l'immobilier. Il est temps de collectiviser le logement pour le bénéfice des habitant·e·s et de la planète.

 

Références

Oltermann, Philip. “The social housing secret: how Vienna became the world’s most livable city.” The Guardian 01/10/2024, s.p. En ligne.

<https://www.theguardian.com/lifeandstyle/2024/jan/10/the-social-housing-.... Consulté le 08/06/2024.

La Presse en Autriche | Logement social : les leçons de Vienne | La Presse. En ligne. <https://www.lapresse.ca/actualites/2021-10-13/la-presse-en-autriche/loge.... Consulté le 04/22/2024.

Vienna’s Unique Social Housing Program | HUD USER. En ligne. <https://www.huduser.gov/portal/pdredge/pdr_edge_featd_article_011314.html>. Consulté le 08/06/2024.